Comprendre ton fonctionnement atypique
Tu as peut-être entendu parler de HP, zèbre, neuro-atypique ou neuro-divergent. Ces termes tentent tous de décrire une réalité complexe, mais ils sont souvent mal compris.
Le terme "Haut Potentiel" (HPI) est très réducteur. Il met l'accent sur une performance (un "Haut" QI) et une idée de supériorité. Or, la plupart des personnes concernées ne se sentent pas "plus hautes" ; elles se sentent fondamentalement différentes. Elles perçoivent le monde avec une intensité et une complexité qui peuvent être aussi bien une force incroyable qu'une source de souffrance.
C'est pourquoi je préfère utiliser des termes plus descriptifs, comme "philo-cognitif" et "multipotentiel", ou encore cerveau HYPER.
Le Cerveau "HYPER" : ton moteur de Formule 1
Pour bien comprendre ce qui se joue quand tu te sens "différent" ou "en décalage", le concept de cerveau "HYPER", développé par la neuropsychologue Cathy Assenheim, est incroyablement éclairant.
Avoir un cerveau "HYPER", ce n'est pas avoir un cerveau structurellement différent. C'est avoir un cerveau dont le fonctionnement est différent.
Cathy Assenheim utilise une métaphore puissante : c'est comme avoir un "hyper-moteur" de Formule 1 sous le capot d'une voiture, mais n'avoir reçu que le mode d'emploi d'une voiture standard (et n'avoir jamais appris à piloter).
Qu'est-ce que cet "hyper-moteur" ?
C'est une activité neuronale particulièrement intense dans certaines zones spécifiques de ton cerveau.
L'information est traitée plus vite, plus profondément. Les connexions se font en une fraction de seconde. Tu "vois" des liens que les autres ne voiment pas, tu analyses tout en continu.
Cet "hyper-moteur" tourne en permanence, même au point mort. Il consomme une quantité phénoménale d'énergie (ton "carburant" mental et physiologique). Il s'use et s'épuise donc beaucoup plus vite.
Tu n'es pas "trop" ou "pas assez". Tu es simplement équipé d'un système à très haute performance, mais aussi à très haute consommation. L'anxiété, les ruminations, la fatigue chronique ou le burn-out sont souvent les conséquences directes de ce moteur qui tourne en sur-régime.
Ce fonctionnement "HYPER" se manifeste sur deux grands axes, qui peuvent exister séparément ou (très souvent) ensemble :
1. L'axe hyper-actif / rapide (le volet intellectuel)
C'est "l'hyper-moteur" de la pensée.
Quand ton hyper-fonctionnement se situe sur cet axe, ton cerveau est un processeur surpuissant.
Tu penses "trop" et tout le temps : ton cerveau ne se met jamais sur "pause". Il analyse, dissèque, planifie, même la nuit.
Tu penses "vite" : tu saisis les concepts instantanément. Tu t'ennuies si ça n'avance pas assez vite.
Tu penses en "arborescence" : c'est la marque de fabrique. Une idée en amène dix, qui en amènent cent. Tu suis simultanément 5 ou 6 fils de pensée, ce qui peut rendre ta pensée difficile à suivre pour les autres (et parfois pour toi-même !).
La conséquence : c'est une machine à créer des liens... mais aussi à ruminer. C'est un outil formidable pour résoudre des problèmes complexes, mais il peut "tourner à vide" et générer de l'anxiété quand il n'est pas canalisé.
C'est ce que certains appellent, par convention, le "Haut Potentiel" (HPI), "Philo-cognitif" ou "Sur-efficient". Mais le terme "Hyper-Actif" décrit parfaitement le processus : une activité cérébrale constante et rapide.
2. L'axe hyper-sensible (le volet émotionnel & sensoriel)
C'est "l'hyper-moteur" du ressenti.
Quand ton hyper-fonctionnement se situe sur cet axe, ce sont tes capteurs qui sont réglés au maximum. Tu ne captes pas plus de choses, tu les captes avec plus d'intensité.
L'hyper-sensoriel : tes cinq sens sont "ouverts en grand". La lumière te paraît plus vive, les bruits plus forts, les étiquettes de vêtements insupportables, les odeurs plus intense. Le monde extérieur peut te sembler agressif et te "vider" littéralement de ton énergie.
L'hyper-émotionnel : tu es une véritable "éponge". Tu ressens tes émotions (et celles des autres !) avec une plus d’intensité. La joie, la tristesse, l'injustice se succèdent . Tu captes les ambiances, le non-dit, les micro-expressions.
La conséquence : tu disposes d'un radar d'une finesse incroyable, d'une grande intuition et d'une empathie profonde. Mais sans protection, tu es constamment "surstimulé" et en saturation. Tu te sens submergée, à fleur de peau, et tu t'épuises à force de tout "sentir" si fort.
Le point crucial : un axe, l'autre, ou les deux
C'est la clé du modèle "HYPER" : tu peux être l'un, l'autre, ou les deux.
Tu peux être purement "Hyper-actif" (penser tout le temps) sans être particulièrement "Hyper-sensible" (submergé par les sens ou les émotions).
Tu peux être purement "Hyper-sensible" (une éponge émotionnelle et sensorielle) sans avoir cette pensée "Hyper-Active" en arborescence.
... Et tu peux être les deux à la fois. Dans ce cas, l'hyper-moteur de la pensée et l'hyper-moteur du ressenti tournent à plein régime en même temps. L'épuisement est alors un enjeu central.
Comprendre si tu es "Hyper-actif", "Hyper-sensible" ou les deux, c'est la première étape.
Ce n'est pas un diagnostic, c'est le début d'un mode d'emploi. L'objectif n'est pas de freiner ce moteur de F1, mais d'apprendre à le piloter, à lui donner le bon carburant et à gérer tes passages au stand pour profiter pleinement de sa puissance.